Le contenu de cette page nécessite une version plus récente d'Adobe Flash Player.

Obtenir le lecteur Adobe Flash



 
Union Générale des
Travailleurs de Côte d'Ivoire
Siege Social
Bourse du Travail de Treichville
Adresse
05 BP 1203 Abidjan 05
Téléphones
(225) 21 24 09 78
(225) 21 24 10 12
(225) 21 24 16 95
Fax
(225) 21 24 08 83
Site Web
www.ugtci.org
Email
ugtcisg@yahoo.fr
 

Adé Mensah François, Secrétaire général de l’Ugtci : “Nous voulons savoir pourquoi Mahan Gahé est en prison”

Mardi 31 Janvier 2012
 

L’année 2011 a été très éprouvante pour les travailleurs de Côte d’Ivoire. Car marquée par des violations syndicales de toutes sortes et des acquis sociaux en net recul. Le secrétaire général de la plus ancienne centrale syndicale, l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (Ugtci), M. Adé Mensah François, jette un regard sur ce sombre tableau.

Notre Voie : L’Ugtci s’est toujours positionnée comme une centrale syndicale de participation. Est-ce que vous demeurez dans cette logique ?

Adé Mensah François : Le syndicalisme est un sacerdoce. On fait le syndicalisme parce qu’il existe l’injustice. Celui qui gouverne la Côte d’Ivoire est mon père, étant donné que la Côte d’Ivoire est ma mère. Donc je garde toujours la même logique de conduite. J’ai servi sous les présidents Guéi et Bédié, j’ai servi sous le président Gbagbo avec qui j’avais de très bons rapports. Maintenant, le président Ouattara est là. Je travaille avec lui. Moi, je défends les intérêts des travailleurs. Si la politique qu’il mène rejoint l’intérêt des travailleurs, je ne vois pas pourquoi je serai contre lui. Le président Gbagbo, je l’ai servi normalement. Bien sûr, quand j’ai des revendications, je revendique. D’ailleurs, avec l’ancien régime, j’ai revendiqué un certain nombre de choses. Des revendications sur les salaires, les indemnités des fonctionnaires, etc. J’avais un cahier de revendications que le président Gbagbo avait accepté. Il y a un certain nombre de choses qu’il a honorées, il y en a d’autres qu’il n’a pas faites.

N.V. : Qu’est-ce qui a été fait ou pas ?

A.M.F. : Le président Gbagbo a réglé un certain nombre de problèmes, il n’a pas tout réglé. D’ailleurs, il a dit qu’il règle certains problèmes, et lorsque nous aurons atteint le point d’achèvement de l’initiative Ppte, il réglerait le reste. Nous nous sommes mis d’accord. Ce qui reste, nous allons le soumettre au nouveau président, parce que l’Etat, c’est une continuité. Nous allons lui dire que le président Gbagbo nous a promis certaines choses, il a réglé une partie, voici la partie qui reste et nous souhaitons que vous régliez ça. Donc nous attendons que le président Ouattara nous reçoive.

N.V. : Parlant de sécurité, certains syndicats ont leurs sièges occupés par les forces armées, les Frci. Que faites-vous pour régler ce problème?

A.M.F. : En ce qui concerne l’Ugtci, notre siège et nos hôtels ont été occupés par les Frci. On les a laissées faire. Mais quand les choses se sont calmées, nous nous sommes plaints et ils ont libéré nos hôtels. Le problème, c’est qu’ils y ont détruit beaucoup de choses. Nous avons fait constater ça par huissier et nous nous proposons de porter ces dégâts à la connaissance du gouvernement. Maintenant, je ne sais pas quels autres syndicats a vu son siège occupé. Dans tous les cas, ils n’ont qu’à se plaindre à qui de droit comme nous avons fait et ils vont récupérer leurs sièges.

N.V. : Vous avez parlé d’huissier pour faire le constat. Entendez-vous donner une suite judiciaire à cette affaire ?

A.M.F. : Pas forcément. Le recours à l’huissier veut simplement dire que ce que nous disons est vrai, que ce n’est pas une déclaration d’intention. Il a effectivement constaté que les Frci occupaient nos hôtels. Ils ont cassé les WC, les cuisinières, etc. En le disant au gouvernement, le constat d’huissier fait foi.

N.V. : Avez-vous évalué le préjudice subi ?

A.M.F. : Nous avons évalué le préjudice que nous avons subi à Abidjan, Bouaké, San Pedro, etc. Nous avons fait un dossier que nous avons présenté au gouvernement. Je n’ai pas le coût en tête, puisque ce sont mes collaborateurs qui s’en sont occupés.

N.V. : Des voix s’élèvent pour dénoncer beaucoup de violations des droits syndicaux depuis avril dernier…

A.M.F. : La violation des droits, il y a des normes qui déterminent tout. Certes, il y a eu des violations de tout genre en Côte d’Ivoire, l’occupation des maisons des gens, c’est une violation, mais elles ne sont pas appliquées uniquement aux syndicats. La crise a entraîné des violations que tous les secteurs ont subies. Mais, pour le moment, ce qui m’intéresse, c’est la souffrance des travailleurs.

N.V. : Quelle est la nature de cette souffrance?

A.M.F. : Nous savons ce que les entreprises ont perdu, nous savons que les travailleurs ont été obligés d’abandonner leurs services, certains ont fui, d’autres sont morts. Nous continuons de faire l’inventaire au terme duquel nous serons en mesure de dire si on a perdu 1 million d’emplois correspondant à 300 milliards Fcfa, par exemple. Donc, attendez que nous finissions d’évaluer les pertes subies par les travailleurs.

N.V. : Depuis avril 2011, les syndicats se terrent. On ne les entend plus…

A.M.F. : Il y a des priorités. Nous sommes en train de faire l’inventaire à partir duquel nous saurons quoi faire. Nous avons adopté une attitude d’attente.

N.V. : N’est-ce pas parce que vous avez peur de la violence du régime et de ses Frci ?

A.M.F. : J’ai dit que le syndicalisme est un sacerdoce. On ne peut pas avoir peur du régime ni des Frci.

N.V. : Mais alors, pourquoi êtes-vous sans voix ?

A.M.F. : On n’a pas peur puisqu’on nous dit que nous sommes dans un pays de droit.

N.V. : Un pays de droit avec des hommes en armes qui circulent partout et agissent en toute impunité ?

A.M.F. : Certains pays ont connu la guerre avant nous. Et nous savons qu’après la guerre, dans ces pays, les armes ont circulé pendant un temps. Un, deux, trois, quatre ans, les armes continuent de circuler. Dans la guerre, il y a tout le monde, même des brigands. Ce qu’il faut retenir, c’est que, de façon générale, les choses se sont apaisées.

N.V. : Pendant la crise, un célèbre leader syndical a été enlevé, puis emprisonné par le régime Ouattara. Il s’agit de Mahan Gahé Basile, secrétaire général de la centrale syndicale Dignité. Sur son cas, on ne vous entend pas. Pourquoi?

A.M.F. : Dans le syndicalisme, nous cultivons la solidarité quelle que soit la situation. Lorsque le camarade Mahan Gahé a été privé de liberté, nous sommes les premiers à avoir écrit au gouvernement pour en connaître les raisons. Mieux, les amis du Bureau international du travail (Bit) ont saisi le gouvernement et ils m’ont saisi pour demander la même chose. Mais, si on arrête quelqu’un dans un pays de droit, c’est qu’il s’est passé quelque chose. Donc, avant d’engager le combat pour sa libération, il faut savoir de quoi on l’accuse. Je reviens d’un voyage en Afrique de l’ouest ; il m’a été demandé de faire en sorte que le camarade retrouve sa liberté. Les camarades de Dignité, de la Fesaci et nous-mêmes, nous nous sommes réunis, et nous avons envoyé une lettre au chef de l’Etat pour dire que nous voulons le rencontrer pour connaître les raisons de l’incarcération de notre camarade. C’est la solidarité entre syndicalistes. Si un des vôtres est en difficulté, on l’aide, s’il le faut, nous nous cotisons pour lui prendre un avocat. Donc, nous n’avons pas laissé tomber l’affaire Mahan Gahé. Nous avons écrit au ministère de l’Intérieur, au ministère de la Justice et au chef de l’Etat. Le Bit et la Confédération syndicale internationale, qui regroupe 180 millions d’adhérents, dont Mahan Gahé et moi, m’ont confié cette affaire. Le Cisl doit même envoyer une délégation à Abidjan. Je fais des démarches pour que les camarades puissent rencontrer Mahan Gahé.

N.V. : Pourquoi avez-vous choisi la voie de la négociation alors que, généralement, les syndicats, lorsqu’il y a une violation de leurs droits, se font entendre de façon bruyante ?

A.M.F. : C’est vous qui dites qu’il y a une violation syndicale. Nous, nous faisons des démarches pour rencontrer le chef de l’Etat et comprendre pourquoi il est incarcéré. Parce qu’avant d’être syndicaliste, il est Ivoirien. S’il a commis un crime économique, je n’y suis pour rien. Mais si c’est sur le plan syndical, vous allez voir comment nous allons réagir. On ne connaît pas le mobile exact de son arrestation ; nous ne pouvons pas préjuger que ce sont des raisons syndicales.

N.V. : Que vous a-t-on répondu sur les raisons de son arrestation ?

A.M.F. : Jusqu'à présent, nous n’avons pas eu de réponse. Toute lettre mérite une réponse. Mais, tant que nous n’aurons pas de réponse, nous ne pouvons pas préjuger de ce qui l’a amené en prison au risque nous-mêmes de nous tromper ou alors de plonger le camarade dans une situation inacceptable.

N.V. : N’avez-vous pas mené vos propres enquêtes ?

A.M.F. : Dans cette histoire, qui peut mener sa propre enquête ? Ce que nous savons, ce sont les rumeurs, mais nous ne fonctionnons pas sur la base des rumeurs. Nous voulons connaître les vraies raisons. Certains disent qu’il a été arrêté pour une usurpation de fonction. Quelle fonction ? D’autres disent pour incitation à la violence. Nous ne pouvons pas nous y fier. Quand nous aurons les vraies raisons, les charges contre Basile, nous saisirons nos avocats.

N.V. : Depuis la fin de la crise, il y a eu plusieurs licenciements, notamment à la présidence de la République, au Conseil économique et social, au Port autonome, etc. Que dit l’Ugtci à ce propos ?

A.M.F. : Nous sommes en train de faire le recensement de tous les licenciements. Même en temps normal, il y a des licenciements pour motif économique que nous négocions. Donc, on ne peut pas dire que c’est maintenant seulement qu’il y a des licenciements. Avec la guerre, il y a des entreprises qui ont perdu leur outil de travail. Elles peuvent demander aux travailleurs d’attendre que l’outil de travail soit reconstitué.

N.V. : Vos camarades vous reprochent de vous accrocher à votre poste de secrétaire général de l’Ugtci alors que, depuis juin 2011, votre mandat a expiré…

A.M.F. : Ça fait plus de 50 ans que je fais du syndicalisme. Ce sont des choses que je connais. A l’approche des congrès, il y a toujours des velléités. Généralement, ce sont des gens qui sont dans l’ombre et qui veulent avoir voix au chapitre. Le dernier conseil général a fait le constat qu’on n’avait pas les moyens d’aller au congrès et m’a demandé de faire en sorte que les syndicats continuent de payer leurs cotisations. Le 19 décembre dernier, je leur ai fait le compte-rendu. Le conseil général m’a prolongé mon mandat jusqu’au 31 décembre 2011. On attendait que les syndiqués paient leurs cotisations pour qu’on y aille. Sur les 250 syndicats affiliés, il n’y a pas 5 qui paient régulièrement leurs cotisations.

N.V : Etes-vous candidat à votre succession ?

A.M.F : Je ne suis pas candidat. Mais si le congrès estime que je dois continuer, je vais examiner cette proposition. En consultant d’abord mon milieu syndical.


Interview réalisée par Félix Teha Dessrait
 
©Copyright Site Internet de l'UGTCI- Octobre 2007 -Webmaster